A travers cette question sur les objets, c’est toute la société de consommation dans laquelle nous vivons que nous venons interroger. Alors, une société où il est devenu tellement important de posséder des objets en grands nombres que l’on jette et rachète régulièrement, devrait-elle respecter les objets ?
En réalité, si l’on en revient à l’origine du mot « respecter », qui vient du latin « respectus », c’est-à-dire « regard en arrière », il y a cette notion de contemplation de ce qui a déjà été accompli. Si l’objet en lui-même, qui n’est pas vivant, peut difficilement mériter du respect, on peut respecter toutes les personnes et autres êtres vivants qui ont contribué à son existence et à sa présence auprès de vous. Car un objet doit être imaginé, conçu, fabriqué, réglé puis utilisé, nettoyé, entretenu, réparé, etc. Et plus un objet a duré dans le temps, plus il devrait être entouré de respect !
Zéro déchet ?
Ces idées peuvent venir bousculer cette autre idée trop répandue qu’un vieil objet doit forcément être remplacé. Certains écologistes connaissent le courant « zéro déchet » qui peut paraître simple dans le principe. Mais si on essaie de le pratiquer, on se rend rapidement compte que c’est toutes nos pratiques quotidiennes qu’il faut remettre en question. A commencer par les effets de mode. Zéro déchet implique également que nous devons reconsidérer les objets hors d’usage comme des objets qui peuvent être réparés, recyclés ou réutilisés en partie ou complètement dans un usage détourné, en pièces pour réparer ou construire un autre objet par exemple. Nous retrouvons là les éléments pour tendre vers une économie circulaire.
Toutes ces façons de faire étaient très courantes avant l’ère industriel. L’humanité était moins inondée de produits en tous genres. Le « jetable », l’usage unique, n’existait quasiment pas.
Une corde sensible de la société de consommation
Les objets étaient conçus pour durer le plus longtemps possible et d’une façon générale, on peut dire qu’ils étaient plus respectés. C’est sur ce point-là que l’on touche une corde sensible économique, politique et financière, propre à la société de consommation. Notre société, par divers moyens, poussent ses individus à consommer. Sous des apparences d’abondance et de bonheur, les individus sont mis en situation de manque permanent.
Imaginons maintenant une société où les valeurs sont replacées sur la durabilité et la qualité des objets et donc sur le respect de toutes les personnes qui les entourent depuis la conception et la fabrication jusqu’à la mise à disposition et l’utilisation. Le premier respect va donc se situer autour des matières premières, leur lieu et leur méthode d’extraction. Il y a donc logiquement une dimension écologique sous-jacente. Dans une logique zéro déchet, les utilisateurs des objets doivent se réapproprier la connaissance de tout leur cycle de vie. C’est donc bien toute l’infrastructure de la société qui doit être revue. Comment conçoit-on les objets si l’on veut qu’il satisfasse nos exigences ? Là aussi les réponses à ces questions ont déjà été éprouvées. Les fablabs sont des lieux où ce genre de sujets sont facilement abordés entre ses membres.
Fablabs, laboratoires communs de conception et de fabrication d’objets
Souvent, partagés sur Internet, les réflexions autour de la conception d’un objet dans un fablab sont ensuite débattues, revues et améliorées par une communauté internationale composée à la fois des utilisateurs, des concepteurs et des fabricants. Pour les prototypes, les concepteurs sont fréquemment aussi utilisateurs et fabricants, mais ils sont aussi preneurs de toutes les remarques et conseils qui peuvent leur venir de partout. En effet, l' »open source » est de rigueur dans les fablabs, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de secret de fabrication, les plans et toutes les « ficelles » sont publiées et partagées. Avec ces méthodes, ce n’est plus le profit que peut occasionner la vente d’un objet qui est recherché mais la perspicacité de son utilisation. On ne cherche donc pas à vendre un maximum de ces objets dans le but de s’enrichir et tous les questionnements du zéro déchet et de l’économie circulaire deviennent possibles. Le respect ou les respects que méritent un objet reprennent toutes leurs dimensions. On peut chercher à diminuer voire supprimer totalement l’impact environnemental, concevoir l’objet pour qu’il soit facilement réparable voire incassable, recyclable, réutilisable, etc.
Au-delà du fablab, l’écofablab, la concrétisation du zéro déchet
Vous l’avez bien compris, dans un monde idéal, la vie des objets tourne autour des fablabs et d’autres infrastructures où les poubelles n’existent plus. S’il n’y a plus de déchets, il n’y a plus de poubelles. La poubelle étant dans l’imaginaire cette sorte de vortex où l’on y fait disparaître les choses qu’on ne veut plus voir. Mais on sait bien aujourd’hui que ces vortex n’existent pas et que ce que l’on « jette » continue souvent sa vie de façon délétère. Seuls les déchets organiques se dégradent naturellement et rentrent parfaitement dans une économie circulaire. Car le meilleur exemple d’économie circulaire est dans la nature, faisant vivre au passage d’inombrables êtres vivants. Pouvons-nous donc concevoir des objets aussi bien que la Nature ? En tout cas, nous pouvons essayer. Quand un objet est cassé nous pouvons déjà chercher à le réparer. Le fablab pourrait être ce lieu, facilement accessible, on l’on se rend avec son objet pour le réparer. Si le diagnostique le rend vraiment irréparable, l’objet peut être démonté pour que ces pièces servent soit à réparer un autre objet soit à être recyclés pour devenir la matière première d’autres objets. Dans ce cas le fablab devient un écofablab, c’est-à-dire un fablab adossé à des lieux de stockage, des « recycleries » où les déchets et les poubelles n’existeraient plus.
De la théorie à la pratique
Mais comme l’on dit, de la théorie à la pratique, il y a un grand pas. Et pour arriver à la généralisation des écofablabs, le bond est gigantesque. De plus, les recyclages et les transformations des matières sont souvent consommateurs de beaucoup d’énergie et de produits polluants. Là aussi il est potentiellement plus possible de suivre les processus si les centres de traitement sont entre les mains des citoyens.
Car le premier pas vers cette transition passe par vous, amis lecteurs. La remise en question de votre comportement quand vous aurez en mains un objet est primoridiale. Bien sûr, de nombreux autres pas peuvent être faits du côté politique pour organiser et encourager la mise en place des infrastructures évoquées. Toutefois un groupe de personnes bien organisé peut déjà mettre en place des exemples d’écofablabs et de recycleries pour montrer et donner envie à d’autres personnes de franchir le pas. Ces exemples existent d’ailleurs déjà. Malheureusement ils n’ont pas toujours une place de choix dans les médias grands publics.
« Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde »
Le changement de paradigme ne tient souvent qu’à ceux qui ont vraiment envie de le faire. Alors, suivons la sagesse de Gandhi !